mardi 12 février 2019

La psychologie du bonheur 3 - QU'EST-CE QUI FACILITE LE BONHEUR ?


Trouvez-vous votre bonheur dans l’action ou dans le repos ? Croyez-vous que l’argent fasse le bonheur ou au contraire pensez-vous qu’il faut se détacher des possessions matérielles ? Savez-vous qu’il y a deux façons de concevoir le bonheur : façon top-down ou bottom-up ? Savez-vous quel type de couple est plus susceptible d’être heureux ? Croyez-vous que le sentiment de bonheur soit identique pendant l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte et la vieillesse ? Connaissez-vous Fritz Zorn et le calvaire qu’il a vécu à grandir dans une famille « heureuse » ? Voici quelques questions auxquelles cette série d’articles sur la psychologie du bonheur tentent de répondre…

Arthur Rimbaud est l'image du poète maudit. Ecrivain de génie, il écrit son premier poème à 17 ans. Il reçoit de son amant, le poète Verlaine, un coup de pistolet lors d'une violente dispute,  qui mettra fin à leur liaison passionnelle. Mais y a-t-il jamais un terme à la passion ? Vagabond ou trafiquant d'armes, il voyage en Italie, en Afrique, en Suède, au Danemark, en Angleterre, en Hollande, à Chypre et en Abyssinie. Il mourra finalement à 37 ans, probablement des suites d'une amputation du genou.

Quelle intensité de vie ! Quelle succession d'expériences enrichissantes et destructrices ! Et pourtant il s'écriait : « J'ai fait la magique étude du bonheur, que nul n'élude ». Après une vie d'une telle intensité, il restait sans voix face au mystère du bonheur.

Qui peut prétendre avoir éludé la question ? Personne ! Cependant, certaines recherches sont parvenues à mettre en avant  quelques déterminants du bonheur. Nous allons passer quatre de ces déterminants en revue. Nous verrons que le bonheur est complexe et que le « mieux » est parfois l'ennemi du « bien ».

 S'accepter tel que l'on est
S'accepter signifie parvenir à s'apprécier en ayant une vue assez objective de soi-même, c'est-à-dire en ayant conscience de ses qualités et de ses défauts, de ses ressources et de ses limites. On parle aussi d'estime de soi : quelle évaluation faisons-nous de nous-mêmes ? Certaines personnes ont une image très négative d'elle-même. Elles disent qu'elles ne sont bonnes à rien et qu'elles n'arriveront jamais à réussir quoi que ce soit. Et elles voient le monde à leur image : rien n'est intéressant et eux-mêmes n'ont aucun intérêt !

On peut penser que ces personnes ont un profil dépressif, qui viendrait d'une mauvaise évaluation de soi. Elles ont souvent tendance à ne retenir que ce qui pose problème en oubliant tout le reste.

D'autres, au contraire, ont une grande estime d'eux-mêmes. Et parfois, c'est démesuré ! Les Bruxellois appellent ces personnes-là des dikke nek. Vantards, prétentieux ou narcissiques, ils peuvent être épuisants !
En fin de compte, trop d'estime ou trop peu d'estime peuvent nuire autant. Comme le disait Lao Tseu : « Le sage ne veut pas être estimé comme le jade, ni méprisé comme la pierre ».

Etre relié aux autres
Pierre Rapsat nous a laissé un très bel héritage et notamment ceci : « Ensemble, ensemble / Et savoir traverser le temps / Vivre les mêmes émotions / Avoir le cœur qui tremble / Simplement ensemble ». Ce dont Pierre Rapsat parle dans sa chanson, Ensemble, c'est ce que l'on appelle le sentiment d'attachement, c'est-à-dire le sentiment d'être relié à d'autres personnes, avec lesquelles on entretient des relations affectives positives. L'attachement est souvent dynamique : on aime et on est aimé, on apprécie et on est apprécié.

Mais il peut parfois être à sens unique : c'est le cas, par exemple, d'une personne qui reste attachée à son conjoint qui, lui, s'éloigne de plus en plus. Plus on tente de le retenir, plus il manifeste l'envie de s'en aller.


Si l'attachement est essentiel, il est aussi important de gérer le détachement. L'enfant, pour grandir, doit se détacher de sa mère. L'autonomie est à ce prix. Facile à dire, mais le départ des enfants, devenus adultes, laisse parfois les parents déprimés ! C'est une des formes de ce que l'on appelle « le syndrome du nid vide ». De leur côté, beaucoup d'enfants prolongent à l'infini la cohabitation avec leurs parents. Etienne Chatilliez en a fait un film drôle et terrible à la fois, Tanguy.
  
Le sentiment de contrôle sur l'existence
Avoir le sentiment de contrôler, même en partie, les événements qui nous arrivent réduit notre angoisse face à l'imprévu. Il nous rend aussi plus actif, parce qu'il donne un sens à notre action : celle-ci peut nous procurer des bénéfices ou nous éviter des problèmes !

Imaginons que vous êtes au milieu d'une route et qu'un camion fonce vers vous à toute allure ! Soit vous vous dites : « Ça ne sert à rien de bouger, je ne peux rien y changer ! »
Soit vous vous dites : « Si je saute sur le côté, je peux rester en vie ! »
Le sentiment de contrôle nous permettrait donc d'éviter, dans la vie, de se prendre les gros camions en face : problèmes au travail, en famille, en société… Les personnes résignées réussiraient moins bien que les autres, parce qu'elles ne s'estiment pas à l'origine de leur réussite : elles ont simplement eu de la chance ! Par contre, elles s'estiment souvent responsables de leurs échecs ! C'est de leur faute si…

Le poète et romancier québécois Yvon Paré voit dans l'impuissance le destin de l'homme : « C'est ça être un homme ! un grand désir et une totale impuissance… »


Pour conclure, je citerai l'écrivain polonais Witold Gombrowicz : « Chacun porte son bonheur en soi ». Cette liste de déterminants du bonheur n'est évidemment pas complète et chacun pourrait la prolonger avec ses propres idées. Car nous avons tous un passé qui nous est propre, une expérience de vie différente et une façon unique de voir le monde. Et oui, nous sommes uniques en fin de compte ! Avec nos bons et nos mauvais côtés, nos qualités et nos défauts, nos compétences et nos faiblesses. Etre unique, n'y a-t-il pas là de quoi nous rendre heureux ? Ou au moins un peu joyeux ?

Benoît Demonty