lundi 18 janvier 2021

Présentation de l'ouvrage "Par amour du stress" de Sonia Lupien, par Alain Posset


Alain Posset est psychologue à Anderlues (http://www.psychocoaching.be).

Il s'est formé, entre autres,à la thérapie brève Palo Alto, stratégique et orientée  vers les solutions.

Il nous propose, avec la sympathie qui le caractérise, une présentation d'un livre très intéressant sur le stress : « Par amour du stress » de Sonia Lupien.

Nous le remercions vivement pour sa collaboration.

 

***

Par amour du stress, de Sonia Lupien

Texte par Alain Posset


Sonia Lupien, directrice du Centre de Ressources sur le Stress Humain, publie cet ouvrage en 2010 aux « Editions au carré ». Etonnamment peu connu en Belgique (car non distribué en librairies physiques et en ligne), il est toutefois toujours possible de se le procurer via le site de l’auteure et envoyé depuis le Canada.

 Cet ouvrage constitue assurément une référence sur la thématique du stress en présentant des conclusions scientifiques par une approche originale et très didactique.


 
      Les 4 caractéristiques du stress


Véritable image de marque de Sonia Lupien, le CINE est incontestablement une remarquable approche du stress, très claire, précise et facilement compréhensible.
 
Que retenir ? La personne va produire une réponse biologique de stress lorsqu’elle est exposée à une situation comprenant l’une ou plusieurs des caractéristiques suivantes:
 
-    Contrôle: Devoir avoir l’impression que la personne n’a pas le contrôle sur la situation
-    Imprévisibilité: La situation doit être imprévue ou imprévisible pour la personne
-    Nouveauté: La situation doit être nouvelle pour la personne
-    Ego menacé: La situation doit être menaçante pour l’égo de la personne.
 
Ces 4 caractéristiques forment l’acronyme « Ciné » . Une façon vraiment efficace et simple pour s’en rappeler.
 
L’intérêt majeur de cette méthode CINE et ses quatre caractéristiques universelles du stress nous permettent de décomposer le stress afin d’identifier au mieux les éléments qui font en sorte que notre cerveau détecte une menace en produisant alors les hormones de stress en grande quantité.
 
Pour mon travail avec mes patients, cette approche didactique du CINE est très fréquemment utilisée…Dans une optique non pathologisante, il est question d’accompagner les patients en les aidant à cerner à quel(s) stresseur(s) ils sont particulièrement sensibles. Cette « décomposition » du stress peut ainsi se faire via le très pertinent outil ci-dessous émanant du Centre d’Etudes sur le Stress Humain….
 
 
 




      Le stress aigu et les mammouths
 
Sonia Lupien a sans doute tout fait pour rendre le mammouth incontournable dans ses études sur le stress au point que le logo du centre qu’elle dirige (Centre d’Etudes sur le stress humain) ….est le mammouth. Il y a même le  « Mammouth Magazine » , au demeurant très intéressant tout comme l’excellent site internet du centre susmentionné qui constitue une belle référence sur le domaine.
 
Alors, pourquoi un focus sur le mammouth?
 
En rappelant l’importance deux hormones de stress les plus importantes chez l’humain (adrénaline et cortisol) qui, lorsqu’elles sont sécrétées, vous nous permettre de poser les deux seuls gestes possibles face à une menace (combattre ou fuir), le chemin vers le mammouth est sans doute tout tracé. Il fallait certes y penser!
 
Le cerveau peut ainsi être considéré comme un détecteur de menace. Lorsque les deux hormones de stress sont produites, nous sommes en état de stress aigu. Cet état représentant alors une fameuse machine qui va nous aider…à tuer le mammouth ou à fuir (s’il est trop imposant) en nous permettant de concentrer toute notre attention sur la menace.
 
Je fais ainsi rentrer très régulièrement le mammouth durant mes consultations. Les patients apprécient cette explication ludique du stress et de la préservation de l’espèce.


      Le stress chronique
 

Dans « le long et sinueux chemin vers le stress chronique », il y a lieu de considérer que ce stress chronique commence toujours par une réponse de stress aigu. Ainsi, le stress chronique peut résulter de l’exposition d’une personne à un même stresseur ou même à différents stresseurs , et ce d’une manière chronique (hypersécrétion  constante d’hormones de cortisol et les « effets dévastateurs » de ce dernier sur l’organisme tout en suscitant diverses maladies ….
 
Je me rappelle souvent de cette dernière expression développée lors de la formation suivie en coaching scolaire.
 
Pour survivre après une importante perte d’énergie consécutive à la confrontation à un stress aigu, le corps devra renflouer ses réserves d’énergie (« remplir le réservoir d’essence pour pouvoir repartir avec une nouvelle réserve » comme dit très opportunément Evelyne Josse pour expliquer le concept de « flame-out » (cfr https://www.youtube.com/watch?v=aF2m5IJ1e4I) dans le cadre d’une récente intervention pour PsyforMed en rapport avec la crise du Covid-19.
 
A défaut, le risque est en effet grand (le burn-out peut se situer ici quand les réserves sont épuisées…et que le réservoir ne peut plus se remplir).  Il est intéressant  de noter qu’il est question d’une panne de production d’hormones de stress (hyposécrétion). Le cerveau cesse alors en effet de produire la réponse adéquate au stress.
 
 
      Pourquoi sommes-nous si stressés de nos jours?


Un constat de départ: la dépression et les maladies cardiovasculaires sont deux désordres qui peuvent être liées au stress chronique.
 
Malgré que les mammouths ne croisent plus nos chemins et que nos sociétés sont de plus en plus sécuritaires, Sonia Lupien souligne que le stress chronique est toutefois l’apanage de notre monde contemporain.
 
Pourquoi? Car notre cerveau ne fait pas la différence entre un stress absolu (qui menace notre survie….exemple: confrontation à des faits de terrorisme) et un stress relatif (cfr. le CINE développé ci-avant). En conséquence, notre cerveau a alors malheureusement la même réponse de stress dans les deux cas…

 
      Stress au masculin? Stress au féminin?
 

Historiquement, il apparaît que le modèle dominant de la réponse au stress concernait le modèle de « combat-fuite » uniquement et étonnement développé chez les sujets mâles.
 
Dès le début des années 2000 (donc hier sur une ligne du temps de la recherche!), des chercheurs ont remis en doute ce modèle. Ainsi, en étudiant des animaux mâle et femelles en situation de stress, il fut observé que les mâles ont tendance à devenir agressifs avec une propension au combat tandis que les femelles  ont tendance à adopter des comportements d’affiliation (comportements de protection envers leur progéniture et d’approche envers les autres femelles du groupe).
 
Sur base de ces études menées sur l’espèce animale, des recherches ont évidemment été menées ensuite auprès des hommes et femmes. Je retiendrai, parmi les nombreuses études, le modèle de « protection - affiliation » de Dr Taylor qui propose que les femmes, confrontées à une situation de stress, vont réagir en se protégeant et en protégeant leurs enfants (protection) et en formant des alliances avec les autres femmes (affiliation). A contrario, les hommes auraient davantage tendance à utiliser une réponse de « combat-fuite » devant un stresseur.


      Intimidation, harcèlement et Stress


Les questions de (manoeuvres d’) intimidation et de harcèlement me préoccupent particulièrement. Elles sont malheureusement abordées régulièrement par mes patient(e)s dans le cadre de ma pratique libérale.
 
Plus précisément, j’aurais tendance à souligner que la sphère professionnelle (comprenant des problématiques de violence au travail et maltraitance institutionnelle) est précisément abordée dans plus de la moitié des prises en charges au sein de mon cabinet.
 
Rappeler la législation (Loi du bien-être au travail) et les aspects psycho-sociaux qui doivent être pris en compte est souvent rassurant et soutenant pour les patients.
 
Des études ont finalement montré que des travailleurs subissant de l’intimidation au travail présentaient des concentrations anormalement faibles en cortisol. Ce constat pourrait ainsi se rapprocher à l’hypoproduction de cortisol observée dans les cas d’exposition à un trauma aigu.


      Sommeil et stress


Les troubles du sommeil sont également une triste et redondante constante des patient(e)s quelle que soit d’ailleurs la nature de la  demande de consultations.
 
Les patient(e)s ne consultent ainsi que très rarement en expliquant que c’est à cause de problèmes liés au sommeil… Par contre, ces troubles sont souvent « en enveloppe » , en arrière-plan de ce qui constitue la souffrance pour la personne.
 
Le cerveau détestant le manque de stimulation (preuve en est par les rêves!), il a assurément accumulé bon nombre de vibrations tout au long de la journée. En effet, en stimulant à chaque instant notre cerveau durant la journée avec diverses (voire nombreuses) activités, nous l’empêchons bien souvent l’occasion de devoir négocier une quelconque absence de stimulation.
 
Toutefois, quand nous nous apprêtons de tomber dans les bras de Morphée, c’est souvent le seul moment de toute la journée où cessent ces stimulations….
 
Or, il apparaît justement qu’en l’absence de stimulations (que le cerveau n’aime donc pas!) que ce dernier aura tout le loisir de ramener à notre conscience « nos » stresseurs de la journée….Un boulevard pour les ruminations de tout genre et une incapacité voire au mieux une difficulté à l’endormissement.
 
Pour le contexte des ruminations, j’utilise très régulièrement avec mes patients l’image de la petite souris/hamster qui tourne en rond dans une roue…
 
 


 
      L’évitement….avec parcimonie


L’évitement est une stratégie à adopter dans des conditions très précises et pour un laps de temps assez court. A juste titre, Sonia Lupien rappelle que si nous adoptons une stratégie d’évitement pour toutes les situations stressantes auxquelles nous sommes confrontés , nous nous retrouverons très certainement en état de stress chronique devant une situation que nous n’avons pas su gérer. 

 
      L’altruisme pour combattre le stress


Des résultats d’études ont pu montrer que l’altruisme peut avoir des effets bénéfiques lorsqu’un individu fait face à un stress aigu ou chronique.
 
A titre d’illustration, sans doute pouvons-nous remarquer les bienfaits chez certaines personnes des élans de solidarité pendant la crise anxiogène du Covid-19…
 
D’autres facteurs associés au développement de la résilience sont l’optimisme, les valeurs morales, la spiritualité, l’humour, le soutien social, la capacité de faire face à sa peur, le fait d’avoir une mission (cfr le concept de « Life Mission » de Bill O’Hanlon) , …
Bref, le dénominateur de de ces facteurs étant leur capacité de diminuer la production d’hormones de stress en période de stress aigu ou chronique.

 
      Respirer en période de stress…mais pas seulement


Sonia Lupien en estimant très opportunément que « notre corps est notre meilleur allié » aborde les bienfaits de la respiration. Cette dernière a la capacité de faire cesser la production d’hormones de stress et en conséquence la mobilisation d’énergie.
 
En rapport avec le stress et les troubles anxieux, j’aborde régulièrement le sujet de la respiration avec mes patient(e)s. Je recommandais particulièrement l’ouvrage ci-après qui, à regret, ne semble plus disponible.