mardi 7 janvier 2020

LE FEED-BACK DE FIN D’ENTRETIEN 1/3



Au cours d’une séance orientée solutions, il est fort probable qu’un patricien ait pris des informations sur le type de vie que les clients attendent, ait construit avec les clients des objectifs de travail et ait examiné les exceptions aux problèmes.
En fin de séance, toutes les informations obtenues peuvent être utiles pour :
-       prescrire une tâche ;
-       formuler un feed-back de fin de séance.

Le feed-back de fin de séance est en fait un compliment spécifique, adressé non pas « sur le vif », mais pour conclure l’entretien. Le but de ce feed-back est d’aider les clients à construire leurs solutions entre les interventions.

Dans une approche classique, le praticien compile les informations obtenues pour élaborer son diagnostic et fixer les interventions qui seront les plus bénéfiques au client. Son attention, bien qu’elle puisse aussi porter sur les forces du client, se fixe essentiellement sur les symptômes et les « antidotes » aux symptômes : relaxation pour les personnes anxieuses, modification des croyances pour les personnes dépressives, etc.

Ce diagnostic est en quelque sorte le point d’orgue de l’intervention, son point de départ et son point d’arrivée. Les interventions partent du diagnostic et la pertinence d’une intervention est fondée sur la modification du diagnostic de départ, voire sa disparition.

En orientation solutions, le feed-back portera sur les ressources mises à jour, les motivations, les exceptions, les solutions déjà trouvées, etc. il ne s’agit donc pas d’établir un diagnostic, mais une carte du terrain propice aux changements.

Le feed-back de fin d’entrevue, s’il est important, n’est qu’une intervention parmi d’autres. Contrairement à l’approche classique, ceci ne constitue pas « le « point d’orgue » de l’intervention, pour reprendre les termes utilisés plus haut. C’est davantage une charnière entre deux entretiens.

Beaucoup de praticiens orientés solutions marquent une pause avant de délivrer leur feed-back. Cette pause, qui peut durer entre cinq et dix minutes sert au professionnel à rassembler ses idées et les informations entendues et à les organiser sous la forme d’un feed-back construit. Lors de ce temps de préparation, l’intervenant est seul. Il peut demander au client de réfléchir, de son côté, aux éléments de la séance qui lui ont paru essentiels ou de réfléchir à une tâche qu’ils pourraient réaliser entre les séances. 

De Shazer définit trois parties dans la structure des feed-back de fin de séance :
-       les compliments ;
-       le pont ;
-       la tâche.
Examinons brièvement ces trois parties et illustrons-les. Je me baserai sur un feed-back de supervision, avec une jeune psychologue voulant ardemment développer sa confiance en soi.
Le compliment, nous l’avons vu précédemment, est un accent mis sur les forces des clients. Ils valident ce qui lui paraît fondamental dans son existence.
Si vous avez déjà fait usage de compliment en séance, veillez à ne pas simplement les répéter, afin qu’ils ne perdent pas leur substance.
Le non-verbal des clients donne des indications précieuses sur le fait qu’ils les perçoivent comme significatives ou non.

Pratiquement, cela pourrait donner :
« Un certain nombre de choses m’impressionnent chez toi, Evelyne. D’abord ta motivation à vouloir développer cette confiance en toi. Tu as pris depuis un mois la ferme décision de changer et tu as déjà mis en place des nouvelles façons de voir les choses. Ensuite la qualité de ton analyse. Tu as bien mis en évidence le cercle vicieux dans lequel tu avais tendance à tomber et qui t’empêchait d’agir. Enfin, la solution que tu as déjà testée et qui consiste à oser de petites choses, à prendre de petits risques, et de voir ce que ça donne. Tu n’es plus restée inactive, comme tu aurais pu faire avant. Tout cela, toute seule, en un mois, entre nos deux supervisions, je suis sincèrement impressionné ! »
Le pont, comme son nom l’indique, relie la première et la troisième partie du feed-back : les compliments et la tâche. Il peut s’appuyer sur les objectifs du client. Si je devais traduire le pont en une sorte d’équation mathématique, je noterais :
Compliments (justifiés par) pont (menant à) tâche. 

Idéalement, parmi tous les compliments possibles, le praticien choisira ceux qui sont pertinents avec ce qui semble essentiel aux clients, et ces deux éléments (compliments et points essentiels, comme valeurs, objectifs, projets de vie…)

Continuons le feed-back précédent en isolant les éléments de pont :
« Je suis d’accord avec toi quand tu penses que tu tireras de nombreux bénéfices de ces changements. Pas seulement au niveau professionnel, mais aussi au niveau personnel. Tu m’as aussi dit un autre jour à quel point ton rôle de mère était essentiel pour toi. Je trouve que c’est un magnifique exemple que tu peux donner à ta fille, celle d’une maman résiliente et qui prend les problèmes à bras le corps ».

La tâche est l’activation comportementale que vous allez proposer à vos clients, afin d’augmenter la probabilité qu’ils soient actifs entre les séances.
Par activité, il ne faut pas exclusivement entendre comportement. Une tâche peut bien entendu être un comportement spécifique. Dans ce cas, le praticien veillera à ce que la tâche soit CRAPP, c’est-à-dire concrète, réaliste, acceptée, petite et positive. Observer, porter son attention sur un point jusque-là négligé est aussi une activité. Les tâches peuvent donc aussi revêtir la forme d’observations précises (observations d’exceptions, de moments de connexion à ses valeurs, etc.)
Se répéter mentalement une idée spécifique, entretenir un certain type de relations avec les autres, se donner la possibilité de vivre des émotions agréables sont également d’autres tâches possibles.

Voici la tâche proposée lors de la supervision d’Evelyne :
« Avant toute chose, continue à faire ce qui fonctionne. Ensuite, j’aimerais que tu notes l’impact que tes nouveaux comportements peuvent avoir sur les autres, que ce soient tes collègues ou tes connaissances privées. En quoi les changements que tu as amorcés influencent-ils les autres ? Est-ce que cela te semble pertinent de faire ça ? » 

(A suivre...)

Benoît Demonty




[1] I.K. Berg et S.D. Miller, Alcool, une approche centrée sur la solution, Stas, 1998.
[2] Op.cit., p.171.