Les
frères Heath (Chip Heath, professeur de comportement organisationnel à la
Graduate School of Business de Stanford, et Dan Heath, chercheur au CASE Center
de l’Université Duke) ont mis au point une méthode de changement et de
développement personnel en trois phases. Cette méthode est basée sur les
découvertes issues de la recherche en psychologie.
La méthode de changement des frères Heath –
baptisée simplement méthode Heath – est exposée dans leur livre Switch, qui a connu un immense succès
aux Etats-Unis.
Les frères Heath estimaient que la réponse au
« comment » du changement restait sans réponse. La méthode Heath est
leur proposition de réponse.
D’après eux, l’individu a soif d’évolution.
Mais, même si la motivation et la volonté étaient présentes, la mise en action
était difficile.
En lisant les comptes rendus de recherches et
en recueillant le témoignage de nombreuses personnes ayant réussi à changer,
les frères Heath ont découvert que toutes les évolutions réussies présentent
trois caractéristiques : le changement individuel est avant tout un
changement de situation ; le changement est difficile parce
qu’épuisant ; ce qui passe pour de la résistance au changement est souvent
un manque de clarté.
Les deux frères se sont emparés d’une analogie
proposée par Jonathan Haidt, psychologue à l’Université de Virginie : nous
sommes guidés par un côté émotionnel, l’Eléphant, et par un côté rationnel, le
Conducteur. Le Conducteur est le maître de l’Eléphant, mais un maître fragile
compte tenu de sa petite taille par rapport à celle de l’Eléphant.
Cet Eléphant, c’est-à-dire la partie
émotionnelle et instinctive de nous-mêmes, est souvent la cause de l’échec de
nos tentatives de changement : il est paresseux, capricieux et préfère le
principe de plaisir au principe de réalité. Et le Conducteur est souvent
impuissant à maintenir l’Eléphant sur la bonne trajectoire.
Les
trois phases de la méthode Heath
La méthode Heath consiste à :
-
Donner une direction précise au Conducteur,
formuler un objectif précis ;
-
Motiver l’Eléphant, le Conducteur ne pouvant
imposer indéfiniment sa volonté par la force, il est indispensable de
solliciter le côté émotionnel de l’Eléphant pour obtenir sa coopération ;
-
Tracer le chemin, l’environnement, le contexte
doit être utilisé pour augmenter les chances de succès.
Détaillons chacune de ces phases.
Diriger
le Conducteur
Sans direction claire, le Conducteur tourne en
rond. Pour choisir une direction ferme, il est important de trouver les
éléments
prometteurs en répondant à cette question : « Que s’agit-il
exactement de faire d’une façon différente ? »
Il s’agit aussi de ne pas se focaliser sur les
obstacles et les problèmes en trouvant les signes précoces de succès.
Identifier des éléments prometteurs (en
thérapie orientée vers les solutions, on parlera de « moments
d’exceptions ») permet de les reproduire et de les amplifier.
Ensuite, il faut définir les étapes décisives. Si la
route est incertaine, l’Eléphant aura tendance à emprunter le chemin le plus
familier. Face à toutes les possibilités qui s’offrent à nous, quelle est celle
que nous désirons vraiment ? Ou, face à une situation ambiguë, que
recherchons-nous concrètement et précisément, dans le but d’éviter la
paralysie ? Le Conducteur ne doit pas se laisser enfermer dans
l’introspection et l’analyse sans fin pour avancer.
Enfin, il est important d’indiquer la
destination.
Des objectifs trop larges et hors de portée conduisent souvent à l’échec. Il
convient de se créer une image mentale parlante, montrant ce qu’il est possible
d’atteindre à court terme.
Motiver
l’Eléphant
Il faut utiliser efficacement nos émotions en
touchant la corde sensible, c’est-à-dire en trouvant le bon levier
émotionnel sur lequel appuyer. Une vision émotion-changement est souvent plus
efficace qu’une vision raison-changement. La rationalité n’est pas toujours
bonne conseillère, car nous ne pouvons pas faire totalement confiance à notre
réflexion. Mais d’un autre côté, si les émotions sont utiles, elles peuvent
parfois nous leurrer.
Afin d’éviter tout risque de découragement, il
est préférable de fractionner l’effort. Faire paraître le changement plus petit
donne l’impression qu’on se rapproche davantage de l’objectif. L’Eléphant est
assez paresseux, les petites réussites entraînent un « effet boule de
neige ».
Selon James March, professeur de sciences
politiques à Stanford, les décisions reposent soit sur le modèle des
conséquences (on compare les conséquences de différentes actions pour choisir
la meilleure), soit sur le modèle de l’identité (qu’est-ce que je suis ou
qu’est-ce que je veux être ?) Tout effort qui contredit l’identité de la
personne a de fortes probabilités d’échouer. A contrario, ce qui donne le
sentiment de grandir a de fortes chances de réussir.
Tracer
le chemin
Pour rendre le parcours plus facile, on peut
simplifier l’environnement en limitant les obstacles. Cela correspond à la
nature de l’Eléphant, qui n’aime pas affronter de grandes difficultés. Un
environnement propice favorise le changement, comme le montre Brian
Wansik, professeur à l’Université de Cornell.
Pour se débarrasser de mauvaises habitudes qui
s’opposent au changement, rien de tel que de construire de nouvelles habitudes en
accord avec ses objectifs de changement. Les frères Heath conseillent de se
constituer des déclencheurs d’action : des manières de protéger ses
objectifs contre les tentations et les distractions. Ces déclencheurs d’action
sont d’autant plus utiles dans les situations les plus difficiles, selon Peter
Gollwitzer, chercheur à l’Université de New York.
Enfin, il fait tirer parti de l’influence des
autres. Le « troupeau » peut avoir deux utilités. On se posera alors
deux questions :
-
d’une part, y a-t-il un « modèle »,
quelqu’un qui a déjà réussi ce changement et dont on peut s’inspirer ?
-
d’autre part, y a-t-il des proches qui sont
susceptibles de nous soutenir ? Les proches sont des supports précieux de
l’évolution personnelle
« La méthode Heath est d’autant plus
appropriée quand le changement est difficile. »
Dan et Chip Heath, Osez le changement © Leduc, 2012.