« L’argent ne fait pas le bonheur de ceux qui
n’en n’ont pas ». C'est en tout cas ce qu'écrivait Boris Vian, qui pensait
parfois, avec raison : « Je me demande si je ne suis pas en train de
jouer avec les mots » !
On associe souvent l'argent à la vie heureuse.
Beaucoup de parents n'hésitent pas à couvrir leur enfant de cadeaux ou à leur
donner de l'argent de poche pour qu'ils le fassent eux-mêmes. Certains
compensent, de cette façon, leur propre enfance, pendant laquelle ils estiment
avoir manqué de certaines possessions et veulent ainsi éviter à leur enfant de
vivre ce même manque. Parfois, l'argent que l'on dépense pour un enfant est à
la mesure de l'affection qu'on lui porte : on veut lui montrer qu'on
l'aime énormément, alors on dépense énormément pour lui. Donc, l'argent fait
vraiment le bonheur ? Les études scientifiques nous apprennent des choses
parfois surprenantes…
Gagner à la loterie
Dans les années 70, des études intéressantes ont été
menées sur les gagnants à la loterie. La plupart des gagnants estimaient que
leur niveau de bien-être était identique à celui qu'ils avaient avant de
gagner ! Ils ne se considéraient ni mieux ni moins bien lotis qu'avant. Au
contraire, ils faisaient mention de difficultés nouvelles, apparues à cause de
leur fortune subite : regrets dus à une mauvaise gestion de la fortune,
conflits avec la famille ou les amis concernant l'utilisation de l'argent,
difficultés à s'adapter à un nouveau statut social… En somme, pour eux, comme
pour Flaubert, « Argent :
cause de tout le mal ».
On éprouve
quelques difficultés à penser que notre vie ne serait pas meilleure si on
gagnait à la loterie ! Pourtant, ces gens ont témoigné !
Impensable ? L'argent ne fait donc pas le bonheur ? Difficile à
admettre quand on touche 700 euros par mois et que l'on manque de tout ! Plus
facile à croire quand on ne manque de rien et que l'argent se compte par
millions !
Mais les médias
nous montrent des gens riches, célèbres et malheureux contre lesquels on
n'aurait pas envie d'échanger sa vie. En fait, il semblerait que l'argent
contribue au bonheur jusqu'à un certain point, jusqu'à une certaine somme
pourrait-on dire. Une somme qui assure une pleine satisfaction des besoins.
Au-delà de cette somme, il n'y aurait pas de surplus de bonheur à posséder
davantage.
Le paradoxe
d'Easterlin
Richard Easterlin est un économiste américain qui a
laissé son nom à un phénomène qui peut paraître surprenant : le niveau de
satisfaction de vie n'augmente pas avec le pouvoir d'achat ! Pour affirmer
cela, il s'est penché sur le cas du Japon. Entre 1958 et 1987, le revenu par
habitant y a été multiplié par cinq. Une très grande majorité des ménages a pu
s'équiper en téléviseur, réfrigérateurs ou machines à laver et s'acheter une
automobile. Pourtant, le sentiment de bien-être subjectif, lui, n'aurait pas
changé durant cette période : les Japonais ne se sentent ni mieux ni moins
bien malgré l'importante amélioration de leur qualité de vie !
Est-ce propre à
la société japonaise ? Pas vraiment, car la même observation a pu être
faite en Chine où le revenu moyen par habitant a augmenté de 250% en quelque 10
ans. D'autres études, portant sur des pays occidentaux, vont dans le même sens.
Qu'est-ce qui
pourrait expliquer ces observations ? L'explication la plus simple serait
ce qu'on appelle un « phénomène d'adaptation ». On s'habituerait
assez rapidement à une élévation du niveau de vie, si rapidement qu'on ne
profiterait pas longtemps du bien-être qu'elle apporte.
Prenons un
exemple : vous en avez assez de prendre les transports en commun pour
aller au travail (difficile à imaginer dans un pays où on trouve en moyenne
plus d'une voiture pour deux habitants !) et vous parvenez enfin à vous
acheter une voiture. Au début, bien sûr, vous êtes ravi, heureux même. Chaque
matin, vous vous dites : « C'est quand même plus confortable et
plus rapide qu'avant ! » Puis, petit à petit, vous vous habituez à
votre nouvel achat et vous cessez de vous réjouir : vous vous êtes habitué
à votre nouveau statut. La voiture a incontestablement amélioré votre qualité
de vie (ce qui n'est pas le cas de la qualité de l'air, mais ça c'est une autre
question), or vous vous êtes rapidement accommodé au changement.