Feed-back dans une relation de type client
Il est utile d’apporter quelques
précisions aussi concernant les feed-back avec les clients. Bien que cela soit
plus facile d’une manière générale, les clients n’ont pas tous pour autant une
vision claire de leurs objectifs ni de leurs exceptions ou forces.
Examinons ces deux éventualités.
Xavier est un chauffeur routier qui connaît de brusques crises
d’angoisse depuis plusieurs mois. La dernière l’a prise alors qu’il était au
volant de son camion sur l’autoroute. Il a été contraint de s’arrêter sur une
aire de repos, où il a fait une sorte d’attaque de panique. Il n’a pas pu
reprendre la route avant une bonne heure.
Les idées liées à ses angoisses sont des craintes pour sa famille.
Comme il voyage souvent à l’étranger, il est de plus en plus désemparé à l’idée
qu’un problème survienne à un de ses enfants, à son épouse ou à un de ses
parents pendant qu’il est en déplacement.
Il est conscient du fait que, par moments, il parvient à gérer ces
pensées angoissantes, mais il est incapable d’expliquer comment il fait.
Il parvient cependant sans difficultés à répondre à la question-miracle
et à la détailler en termes de comportements, de pensées, d’émotions et de
relations.
En d’autres termes, il a un objectif bien construit, mais pas
d’exceptions, en tout cas pas d’exceptions délibérées.
De Shazer propose dans ce cas de
jouer au miracle, c’est-à-dire de faire semblant que le miracle a eu lieu.
Cette assertion servira de tâche, le pont sera l’importance du problème et la
nécessité d’une solution.
« Vous parvenez à décrire avec une grande précision ce qui se
produira dans votre vie une fois que votre problème d’aujourd’hui sera réglé.
C’est assez rare, je tiens à le souligner. Je constate aussi que la famille est
importante pour vous, et que vous tenez à transmettre des valeurs très
positives, comme la solidarité, le soutien et la présence auprès de vos proches
(compliment).
Vous avez raison de penser que cela ne peut pas durer et que votre
profession vous imposant ces voyages à l’étranger, vous devez essayer qu’ils se
passent le mieux possible pour tout le monde Malheureusement, nous n’avons pas
encore trouvé quoi faire pour bien faire (pont).
Alors voilà ce que je vous propose. Cela va vous paraître un peu
particulier, mais j’ai envie de vous le proposer quand même, parce que je pense
que cela peut nous être utile. Un jour entre nos deux séances de travail, vous
allez décider, de façon tout à fait arbitraire, que le miracle que vous m’avez
décrit a eu lieu. Vous ferez semblant que le « jour du miracle » est
arrivé et vous jouerez l’homme que vous voulez devenir. Au cours de cette
journée, prenez note de tout ce qui aura été différent, vous voulez bien ?
(tâche) »
Voilà une tâche surprenante mais,
pour de Shazer, elle permet au client de se mettre en route de façon
progressive. Il est probable que le client ne puisse pas jouer tout le miracle,
mais il aura peut-être trouvé son minimal
change.
Assurez-vous toutefois que le client
possède suffisamment de ressources et de motivation pour faire semblant
jusqu’au bout, sinon la désillusion d’un miracle décevant pourrait provoquer
l’effet inverse à celui désiré.
Venons-en maintenant à la situation
où un client ne possède pas d’objectifs.
Geneviève a trente-six ans et elle dit « ne pas savoir qui elle
est ». Elle pense avoir porté un masque depuis toute petite, pour plaire à
des parents qui ne lui ont jamais manifesté de reconnaissance. Elle dit que son
enfance est la cause de tous ses problèmes, de ses difficultés conjugales à sa
perte d’identité.
Elle n’est pas plaignante, car elle assume sa part de responsabilité et
est bien consciente qu’elle ne pourra pas revenir en arrière ni changer ses
parents. Elle voudrait se libérer de son passé, mais elle ne parvient pas à
expliquer avec précision ce que cela signifie. Elle voudrait aussi devenir
elle-même, mais sans plus de précisions non plus.
Elle estime que c’est le bon moment pour elle de changer, elle est
encore jeune et veut profiter des années qui lui restent. Elle ne veut plus de
sa culpabilité liée au risque de ne plus être conforme aux attentes de ses
parents, ni du masque qu’elle estime porter.
Sa motivation de changer est forte, mais elle sait confusément ce
qu’elle veut, passant parfois d’une idée à une autre, même contradictoire. En
d’autres termes, son objectif n’est pas clair.
Comme le disent de Jong et Berg, ces
clients affirment d’une part qu’il faut « que quelque chose change »
et d’autre part qu’ils feraient « n’importe quoi pour trouver une
solution »[2].
Certains clients ont déjà mis des
choses en place, mais n’ont pas vu de réels effets. D’autres sont bloqués dans
leur capacité à agir à cause de cette incertitude sur leurs objectifs.
Dans ce contexte, de Shazer propose
la tâche « faites quelque chose de différent. »
Les compliments sont identiques aux
autres formulations, qu’il y ait exceptions ou pas. Le pont sera la difficulté
et l’importance du problème. La tâche est illustrée ci-dessous :
« D’ici la prochaine séance, quand vous aurez l’impression d’être
reprise par votre passé, j’aimerais que vous fassiez quelque chose de nouveau,
quelque chose de différent de ce que vous faites d’ordinaire, quoi que ce soit,
même si ça vous paraît bizarre ou idiot. L’important, c’est que vous fassiez
quelque chose que vous n’avez pas encore essayé. »
Cette tâche vise à développer la
créativité et la spontanéité des clients, deux qualités qui sont importantes
pour affronter tout type de situations.
Benoît Demonty